imagination | libre

Penchée au dessus de l'eau, tu observes ton reflet. Tu te trouves si jolie. C'est à se demander comment une chose si parfaite a pu se retrouver là, à vivre comme une sauvage parmi les balafrés de ton espèce.
Tu n'as pas te plaindre. Tu es tombée, à ton avis, dans le moins pire des Clans. Après tout, ceux de la Rivière ne sont-ils pas les mieux nourris ? N'ont ils pas la vie la plus douce ?

Pour trouver une vie douillette plus confortable encore, il te faudrait quitter ton Clan et rejoindre les bipèdes. Et tu n'aimes pas les bipèdes, même si l'idée d'une vie simple t'attire beaucoup.

Tu relèves soudain la tête, percevant des bruits de pas derrière toi. Tu as soudain honte, et peur: ne devrais-tu pas être en train de pêcher, au lieu de jouer les coquettes ? Ce n'est pourtant pas le moment et tu le sais.

Tu fais mine d'être concentrée, accroupie dans une approximation de la position du pêcheur, espérant ainsi faire croire à l'autre chat que tu guettes le poisson depuis plusieurs minutes.

Pour la première fois depuis des décennies de lunes, tu me laisses tranquille. Cette nuit, tu ne m'as ni menacé, ni apparu. Tu t'es comme envoler. Mais pour combien de temps ? Je suis certain, non plus que certain que tu prépares un mauvais coup, caché loin de mes yeux pour que tout me reste invisible. La dernière fois que c'est arrivé, tu es revenu à l'assaut en prenant contrôle de mon corps gris clair. Je suis revenu au camp, couvert de blessures sanguinolentes sur les flancs et le ventre. Pourquoi ? Parce que tu m'as fait combattre un blaireau en me forçant à etre immobile. C'était la pire des souffrance, et je ne souhaite pas revivre ça. Je me lève de mon nid et sors du Camo sans même prendre une proie. Le fait de la pêcher moi-même me calmera. Sur le chemin, je croise Brume de Givre, une guérisseuse merveilleuse qui ferait tout pour le camp. L'appelant, je lui demande d'ordonner à un chat de veiller sur le camp, chose que je n'avais pas fait. Hors, il aurait fallu que je le fasse. Si jamais les chats de mon clan remarquent que je ne suis pas la, que penseraient-ils ?

Je continue mon chemin après avoir remercié ma chère amie. Je sais que je peux compter sur elle, et j'en suis heureuse. A chacun de mes pas, je baisse un peu plus la tete jusqu'à ce qu'elle touche la poussière que le vent de printemps soulève. J'aime tellement ce vent, mais tu le détestes, toi, tu préfères largement l'hiver. C'est une saison horrible. Franchement, je ne sais pas comment tu fais. Le bruit du coulement d'eau parvient enfin à mes oreilles. Heureux, je sautille comme un chaton et accelere mon pas. Une odeur bien connue par ma truffe arrive. Je ne serais pas seul, Douceur des Orchidées est aussi la. La dernière fois que je l'ai vu, elle m'avait semblé aussitôt distante. Silencieusement, je m'approche d'elle. Mais pas assez longtemps. Une branche craque sous ma patte avant droite. Je doute que la surprise que je veux lui faire en sera une. Mais, bonne nouvelle pour moi, le vent m'est favorable.

Faisant mine d'être concentrée, ma compagne observe un poisson dans l'eau. Enfin elle semble, puisque vu la position de ses pattes, je doute qu'elle le chassera. Elles ne sont même pas tendues, mais extrêmement relâchées. Soucieux, je bande mes muscles et bondit sur ma compagne au pelage aussi gris que le mien. Sans les griffes bien sûr. Ensemble, on roule sur le côté et, contrôlant ma chute, j'atteris au dessus d'elle, un sourire malicieux aux lèvres.

" Alors on fait semblant de pêcher ? "

Je prends un ton doux pour montrer mon amusement, meme s'il se montre deja dans mes yeux étoilés.